INTERVIEW : Les vies secrètes de Crapaud et Cochon: Entretien avec Kyoung-Mi Kim
D’origine coréenne, Kyoung-Mi Kim a fait ses études de communication visuelle à Séoul, à Genève et à Paris. Elle débute sa carrière comme graphiste et illustratrice dans différentes agences en Corée et en France. Kyoung-Mi Kim vit à Paris depuis 2012. En Europe, elle enrichit son référentiel artistique et développe plusieurs styles originaux qui font la synthèse entre son univers intérieur, sa culture coréenne et l’art européen. Sa créativité trouve ses sources dans une recherche entre la frontière inconsciente du réel et de l’irréel ; Des expressions graphiques prolifiques qui nourrissent son imaginaire et un goût prononcé pour la saturation. Le Sterput s’est entretenu avec elle à l’occasion de son exposition avec Vincent Wagnair. Celle-ci se finit le 19 octobre, ne traînez plus si vous ne l’avez pas encore vue !
Est-ce qu’il y a une couleur ou une combinaison de couleurs que tu détestes ?
Non, pas spécialement.
Ma couleur préférée est le rouge, cependant j’utilise rarement la couleur. En terme de dessin, je suis plus sensible à la texture plutôt que le niveau de la couleur. C’est-à-dire que mon dessin principal est achromatique. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas les couleurs.
Quels sont tes 3 films préférés (et pourquoi ?)
Mon oncle de Jacques Tati (1958)
J’adore la maison de Mr Arpel. Quand je revois cette scène d’architecture, je m’étonne comme si je l’avais vu la première fois. C’est original et unique.
Pompoko d’Isao Takahata (1994)
C’est une histoire du japon en 1960. Les tanukis (grand pandas roux) racontent leur histoire face à la menace d’un gigantesque projet de développement urbain. Le sujet n’est pas très rigolo, cependant la représentation des personnages est faite sur un ton très décalé avec leurs humeurs.
Les expressions des éléments sont très expressives et singulières. Cela me permet d’imaginer des choses illimitées.
Comme le film du Tati, chaque fois que je revois ce film comme si c’était la première fois. Je découvre de nouvelles choses. Étonnant.
Ce film me donne envie de dessiner.
Le voyage de Chihiro de Miyazaki (2001)
J’ai toujours rêvé de voyager dans le monde inconnu depuis que je suis petite dans « mes souvenirs ». Ce film représente mes désirs et mes rêves.
Les personnages se mutent et les éléments se multiplient et ils nous ramènent à un univers inconnu.
J’admire l’univers fantasmagorique.
Qu’est-ce qui revient souvent dans ton travail sans que tu ne fasses nécessairement exprès ?
Cochon, Crapaud, Prince (mon cochon d’inde) et montagne : ces sont les personnages principaux qui reviennent régulièrement dans tous mes dessins depuis j’ai dessiné les crapauds.
Tu empruntes parfois des idées quand tu dessines ?
Oui et non car je dessine souvent instantanément sans réfléchir à n’importe quel moment et je multiplie les éléments à partir du moment où j’ai commencé. C’est-à-dire que je m’inspire, je dessine et je cherche une piste pour continuer.
Oui, j’emprunte les idées plutôt parce que je n’ai plus envie de dessiner au moment où je suis en cours.
Mon problème est que je ne finis jamais le dessin et je ne sais pas à quel moment où je dois m’arrêter.
J’ai envie de saturer et à la fois j’ai envie d’arrêter.
Tu crées dans le silence ou en écoutant des choses ? Quoi ?
Je dessine dans le silence. Il faut que mon espace et mon esprit soit calme. Aucun bruit.
Je n’écoute pas la musique. J’ai besoin du silence total.
Tu aimes le moche ou le beau ?
J’aime les deux ou non.
C’est une vision très subjective. Ça dépend du contexte et du moment.
Je peux aimer le moche s’il est beau « esthétiquement » ou bien il y a des intérêts qui me conviennent bien qu’il soit « moche ». Cependant je ne peux jamais aimer s’il n’y a pas d’attirances bien qu’il soit beau.
C’est aussi la question du temps. C’est le moment où cela arrive.
À quoi ressemblait ta chambre quand tu étais ado ?
Je n’avais jamais eu ma chambre individuelle jusqu’à 20 ans. J’ai partagé la chambre avec ma grande sœur. Donc j’ai aucune idée et je ne peux pas répondre.
Y a-t-il des dessins animés, des bédés ou des albums illustrés qui ont inspiré ta pratique ?
Miyazaki, Blanquet, Shoboshobo, Elvis Studio, Julie Doucet, Gary Panter, Crumb etc… il y en a beaucoup.
Y a-t-il des trucs cachés dans tes dessins ?
Oui, il y a multitude d’animaux et de végétaux, cependant je ne peux pas expliquer pourquoi je les dessine. En fait, le moment où je suis immergée dans mon univers, j’ajoute des éléments, c’est inconscient. Si je suis consciente, alors « il faut que je remplisse l’espace »… Le problème est que je ne me souviens plus pourquoi j’ai dessiné ce que j’ai dessiné, je ne peux pas expliquer mes idées clairement. Je multiplie et trouve une nouvelle petite idée pour corriger mes éléments faits précédemment. Et je recommence.
Les personnages de tes dessins ont-ils des goûts et des inclinations ? Quels, films, musique artistes aiment-iels ?
Je ne peux pas répondre car je ne connais pas leurs vies, comment ils vivent.
Une fois que je crée un personnage, par exemple Crapaud, il se comporte dans sa vie comme un humain. Il a une vie quotidienne comme nous. Il travaille, mange, s’habille, réfléchit, etc. En revanche je n’ai jamais pensé à ce qu’ils aiment, etc. car ce sont leurs vies et leurs mondes. Ce n’est plus mon problème. Dans leur monde, ce n’est pas moi qui suis l’acteur, ce sont eux.
C’est une imagination qui n’est pas ma place. Peut-être c’est pour le spectateur.
Mais les personnages ont des symboliques :
Abattoirs : les cochons sont les prisonniers de méchants
Cochon : les cochons sont évadés et ont survécu à l’abattoir et sont devenus les copains des Crapauds.
Fleurs de lotus : beauté et élégance
Crapaud : gardien des lotus
Prince : cochon d’inde, c’est un nouveau personnage que j’ai choisi et c’est un privilégié.
Signe l’interview avec un dessin de ta tête.

☛ https://www.instagram.com/kmkim.dessin/
Édition
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Exposition
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4/09/25 - 19/10/25 Kyoung-Mi Kim & Vincent Wagnair
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