INTERVIEW : Vincent Wagnair – Petits filous, gredins et benêts un peu nounouilles
Vincent Wagnair est un dessinateur et auteur de bandes dessinées. Né en 1982 à Thionville en France, il arrive à Bruxelles en 2003 pour y suivre des études en Graphisme à Saint-Luc. Influencé par Gary Panter, le comix underground américain des 70s, l’art brut et populaire, et la scène du graphzine dans son ensemble, l’artiste remplit depuis lors des feuilles de papier de façon compulsive avec une méthode héritée de l’écriture automatique et du Cut-up. Vincent Wagnair dessine principalement à l’encre de chine, et est également imprimeur sérigraphe au sein du collectif Ice Screen, basé à Bruxelles. Le Sterput s’est entretenu avec lui à l’occasion de son exposition avec Kyoung-Mi Kim.
Est-ce qu’il y a une couleur ou une combinaison de couleurs que tu détestes ?
Je n’utilise pas beaucoup la couleur dans mon travail. C’est vraiment le dessin qui m’intéresse le plus. D’ailleurs je me qualifie plus comme dessinateur. Chaque couleur et association de couleur évoque une émotion, une ambiance, une volonté. C’est pourquoi je ne déteste aucune couleur ni association de couleur. J’utilise la couleur dans mes sérigraphies, et ce procédé d’impression permet de faire des variantes de la même affiche facilement et ainsi de changer totalement l’atmosphère de l’image. Je coupe souvent l’encre avec du blanc pour casser la couleur ou avec du fluo pour lui donner du pep’s. Et j’aime bien le fait que le fluo ne soit pas reproduisible lors de photos pour cette cruelle machine qu’est internet. Vive le print.
Quels sont tes 3 films préférés (et pourquoi ?)
Alors, je vais faire une liste, mais si tu me demandes demain, ça sera sûrement une autre !
Akira de Tetsuhiro Otomo 1988
Durant mon enfance, au début des années 90, c’était l’époque des vidéo club. On avait le droit de prendre un dessin animé avec mon frère. On est tombé là dessus et je suis resté hypnotisé. C’est sûrement le film que j’ai vu le plus dans ma vie. Il y a tellement de couche dans l’histoire, tout est magnifique, l’animation est top, la musique aussi, tout est parfait.
Evil Dead 2 de Sam Raimi 1987
J’aime beaucoup le premier mais le deuxième est une relecture du premier avec les potars à fond. Hyper cartoonesque, plein d’inventivité et c’est le côté grotesque que j’adore. Vu aussi dans un vidéo club, endroit que j’affectionne tout particulièrement. J’ai d’ailleurs travaillé plus de 6 ans dans le très bon Vidéo Express de Bruxelles (best vidéo club ever).
New York 1997 de John Carpenter 1981
Là encore très vidéo club. Le futur tel qu’il va sûrement être d’uci quelques mois. Le scénario est hyper intelligent bien que tenant sur un post it. Les persos sont trop bons, l’univers est bad ass et j’aime bien le côté un peu cheap des décors.
Je pourrais encore citer pleins de films hein ! Die Hard, Terminator 2, Les 7 samouraïs, Total Recall,…
Qu’est-ce qui revient souvent dans ton travail sans que tu ne fasses nécessairement exprès ?
Je dirais les motifs, qui reviennent souvent sans que je ne le veuille vraiment. Je vais faire des points, des rayures, je vais entourer successivement des éléments, redessiner le même motif plusieurs fois, faire des tirets, des boules, des fleurs, des éclairs, des gouttes de sang. Je dis souvent en rigolant qu’à la fin de ma vie je ne ferai plus que des petits points sur d’immenses feuilles, et que ça m’ira très bien comme ça.
Tu empruntes parfois des idées quand tu dessines ?
Il y a beaucoup de dessinateurices dont j’aime le travail qui ont inspiré le mien, c’est sûr. Je ne vais pas commencer une liste, elle serait bien trop longue. Mais je ne prends pas d’éléments directement chez eux. J’essaie de me surprendre moi même lorsque je crée dans mes thèmes, les sujets, le trait, la façon de représenter tel ou telle chose etc… Des fois je regarde des anciens dessins à moi et je ne me rappelle plus les avoir dessiné , même si je sais que c’est moi.
Tu crées dans le silence ou en écoutant des choses ? Quoi ?
J’écoute souvent des gens qui jouent à Donjons et Dragons, je suis plusieurs partie dans des podcasts. Je suis moi même rôliste depuis peu et ça me passionne de ouf. Du coup, j’incorpore pleins de gobelins, d’orcs et de sorcières dans les dessins.
Sinon, j’écoute beaucoup de musique, que ce soit dans ma collection de disques et cassettes, ou alors en ligne lorsque pour découvrir de nouvelles choses. J’avoue écouter beaucoup d’ambient et de dungeon synth, pour rester dans le thème médiéval fantastique, ainsi que des musiques de films. J’écoute aussi du punk, noise, rock progressif, metal….
Et je crée aussi dans le silence, pour être face à moi même et à l’absurdité d’un monde qui cours à sa perte.
Tu aimes le moche ou le beau ?
Je peux trouver le moche beau et le beau moche. En tout cas, je n’aime pas forcément quand il y a de la virtuosité dans le rendu. Ni quand c’est trop bâclé d’ailleurs. J’aime quand il y a une certaine naïveté et quand c’est brut.
À quoi ressemblait ta chambre quand tu étais ado ?
Des posters partout sur les murs, des stickers de groupe de punks et de hardcore et de marques de skate de bmx sur la porte et les meubles. Je dessinais sur le papier peint au marqueur d’ailleurs.
Une chaîne hifi avec pleins de cd gravés, et des compils sur cassettes, et une petite télé que j’avais eu à ma communion avec des cassettes vhs de films d’horreur, de vidéos de skate et la console de jeu du moment qu’on s’échangeait entre potes.
Y a-t-il des dessins animés, des bédés ou des albums illustrés qui ont inspiré ta pratique ?
Oui, bien sûr. J’ai appris à dessiner en recopiant Dragon Ball et les Simpsons principalement. On peut y rajouter Musclor, Jayce et les conquérants de la lumière, Saylor Moon, Niki Larson, Ken le survivant, etc… Ado, ça a été Fluide Glacial, puis les visuels des planches de skate, et des albums de punk hardcore, de métal etc…
Y a-t-il des trucs cachés dans tes dessins ?
Il y a beaucoup de choses qui se passent dans mes dessins, d’autobiographie, de narrations, et de folklore. Mais surtout des choses que j’invente. Pas trop de référence à la pop culture. Je faisais ça il y a longtemps mais ça m’a lassé. Maintenant je préfère créer mon propre univers. J’aime quand il y a beaucoup de choses à regarder dans un dessin, du coup je crée un monde où tout a un rôle et un sens, et c’est souvent caché.
Fais la bande son de ton expo en 5 morceaux.
Pareil que pour les films, ça pourrait changer le jour d’après !
Black Flag Nervous Breakdown
Black Sabbath Into the void
Geinoh Yamashirogumi Primordial Germination
John Carpenter Halloween theme
Wagnouze Wize Wizard »Live from the crypt’
Les personnages de tes dessins ont-ils des goûts et des inclinations ? Quels, films, musique artistes aiment-iels ?
Mes personnages sont très manichéens. Ce sont soit des petits filous, des gredins qui veulent faire le mal, sans forcément y parvenir. Soit ce sont des benêts un peu nounouilles, certes pleins de bons sentiments, mais un peu trop naïfs pour le monde contemporain. Un peu comme moi, finalement… Iels n’ont pas le temps d’écouter de la musique, de voir des films ou d’aller au musée, car il faut survivre dans cet univers impitoyable qui est le nôtre.
Signe l’interview avec un dessin de ta tête.

☛ https://www.instagram.com/vincent_wagnair/
Édition
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Exposition
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4/09/25 - 19/10/25 Kyoung-Mi Kim & Vincent Wagnair
